le Géomorphologue

C'est une façon de parler de mes recherches de formation, de mon sujet d'études scientifiques de prédilection, ma façon d'aborder la morphogenèse et l'évolution du paysage. 



2000 - 2007 : Les temps de l'université

Un parcours de géographe, de géomorphologue, écologique et humain

J'ai étudié la géographie et la géomorphologie à l'université d'Aix-Mairseille. Mes professeurs étaient alors Mireille Provansal (sédimentologie fluviatile), Maurice Jorda (Glaciaire, périglaciaire et dynamiques torrentielles Holocène, mon mentor), Christophe Mohrange (dynamiques littorales). Ma directrice était Cécile Miramont, spécialiste des dynamiques torrentielles Postglaciaires et dendrochronologue. 

Sur la fin de mes études, j'étais enseignant-chercheur et moniteur au département de géographie et aménagement du territoire à l'université d'Aix, et intégré à l'Institut Méditerranéen d'Ecologie et de Paléoécologie (Ex-IMEP, maintenant IMBE). 

Pendant ce temps, j'étudiais aussi l'Histoire, l'Archéologie, l'ingénierie de l'environnement, la palynologie et l'anthracologie. 

Un terrain de jeu : les Alpes du Sud

Reconnaissance aérienne, entre Buëch et Durance ©Boutterin, 2022
Reconnaissance aérienne, entre Buëch et Durance ©Boutterin, 2022

Dans l'histoire naturelle des paysages de Alpes du Sud, le concept de morphogenèse postglaciaire est indubitablement incontournable.

 

Les vallons torrentiels adrets présentent tous une similitude morphogénique : des dépôts alluviaux puissants, de 10 à 25m d'épaisseur. Ces dépôts sont naturellement entaillés, incisés par les torrents actuels, ce qui confère une ambiance de fermeture des vallons. Grâce à ces incisions récentes, les dépôts postglaciaires (de 14000 à 6000 BP en moyenne) sont mis à jour. En étudiant leurs profils sédimentaires et leur contenus biologiques, nous pouvons retracer l'histoire du paysage depuis le retrait du principal glacier de la région.

Plus de 15000 ans d'histoire des paysages

Echantillonage ©Boutterin, 2022
Echantillonage ©Boutterin, 2022

Ces 8000 ans d'histoire des paysages naturels sont des archives inestimables pour la compréhension et la modélisation des dynamiques d'Erosion.

 

La rythmicité, loin d'être réglée et égale tout au long des millénaires, est marquée par des a-coups, des accélérations, des ralentissements - ce que l'on nomme des forçages en terme de géomorphologie.

Les ralentissements sont liés à des périodes climatiques réglées et douces. Durant ces périodes, la forêt de pins ou de chênes s'étend et colonise les fonds de vallons, alors en pente douce. Les torrents circulent calmement et divaguent.

Dans les périodes plus actives, les forçages, les archives sédimentaires témoignent de crues soudaines: les vallons sont comblés par phases rapides, la forêt détruite ou étouffée en fond de vallon par l'exhaussement de la surface. 

Les questionnements principaux, dans le cadre de mes recherches, sont de savoir si les feux de forêts, qu'ils soient naturels ou anthropiques, ont joué un rôle dans cette rythmicité. 

Quel type(s) de relation(s) peut-on faire entre les feux de forêt et les dynamiques d'Erosion ?

Rendu graphique ©Boutterin, 2022
Rendu graphique ©Boutterin, 2022

Travailler sur ce thème de recherches (encore exploratoire aujourd'hui), oblige à une collecte d'informations bien plus large que celle du géomorphologue et ses organisations synsédimentaires. Les artefacts archéologiques permettent d'apercevoir la présence et l'activité anthropique. Dans les vallées du sud des Hautes Alpes, les Hommes sont présents dès le Chasséen. Les analyses palynologiques permettent d'affiner leur présence, en particulier leur sédentarisation: les spectres de pollens contenus dans les sédiments des marais alentour montrent les premiers défrichements d'envergure, les semences, les importations de végétaux (blé, olivier, cyprès). 

Pour les périodes plus anciennes, avant tout impact anthropique, seul le climat agit sur la morphogenèse. Une période froide succède à une période douce, et ainsi de suite. L'étude dendrochronologique des troncs subfossiles conservés dans les sédiments postglaciaires permet de rythmer la conquête végétale, mais aussi d'apercevoir des phases d'exhaussement des surfaces à la suite de crues torrentielles.

Enfin, l'anthracologie et le comptage des charbons de bois contenus dans les archives sédimentaire permet de retracer l'histoire du feu dans les fonds de vallon. Coupler les comptages de charbons de bois avec l'étude sédimentologique fine permet de relier les deux informations. C'était mon dada. 

 Les feux de forêt naturels sont provoqués par les impacts de foudre, et donc, par extension, les forçages dynamiques sont à mettre en relation avec des périodes d'instabilité météorologique se traduisant par une activité orageuse. Les feux de forêts anthropiques, lorsque l'on sait que les Hommes sont présents dans les paysages, ont une rythmicité différente, bien plus courte. 


Quinze ans plus tard ...

Une campagne de diagnostic archéologique, Peyruis. Cliché ©Boutterin
Une campagne de diagnostic archéologique, Peyruis. Cliché ©Boutterin

... la mise en pratique dans le monde réel (ou presque)

Mon activité actuelle est basée sur l'ouverture du champ de recherches de l'archéologie préventive à la géomorphologie. Ainsi, par ce biais, j'exécute des analyses paléopaysagères ciblées sur des terrains en cours de diagnostic archéologique. Cette méthode de travail est différente de la recherche géomorphologique pure, car elle se doit de répondre rapidement et efficacement à des questionnements d'occupation anthropiques extrêmement localisés. 

La variabilité des terrains à analyser est, dans le cadre des diagnostics, très forte. Le travail n'en est pas moins intéressant : c'est un défi d'adaptation permanent. Chaque terrain a son histoire propre qu'il faut pouvoir relier dans un contexte spatio-temporel plus vaste. 

Un nouveau bac-à-sable : Fouilles et tranchées

Découverte en diagnostic. Cliché ©Boutterin
Découverte en diagnostic. Cliché ©Boutterin

Les analyses de terrain à destination des diagnostics archéologiques consiste à recréer un contexte paysager et une succession de contextes paléopaysagers en des époques historiques et préhistoriques précises. Paléolithique, Néolithique, Chasséen, âge du bronze, du fer, antique ou médiéval ... les époques historiques (au sens humain du terme) se succèdent. A chacune un contexte climatique et de dynamique du paysage à reconstituer avec des indices parfois bien faibles. La connaissance du paysage et de ses rythmicités permet de recoller les morceaux, comme l'archéologue le fait sur une poterie. Il faut émettre des hypothèses concernant les possibilités d'établissement anthropique, les raisons d'abandon des sites qui peuvent être directement ou indirectement liées aux paramètres de la morphogenèse locale. Enfin, il est important de concevoir une hypothèse de fossilisation, qui très souvent est clairement morphodynamique. Les questionnements sont assez simples alors, et permettent d'expliquer pourquoi ici les artefacts antiques sont à 30cm de profondeur, et là-bas à 3m... ou introuvables. 

Quelquefois, le temps des fouilles archéologiques s'en vient. Les analyses alors sont plus pointues, plus lentes. On prend le temps du questionnement et d'un rendu de meilleure qualité. La passion de la mise en relation du triptyque Erosion-charbon-climat renaît. 

Prospections

Une autre façon de travailler avec les archéologues est la prospection. Le géomorphologue qui veille en moi est alors comblé : une aire, une vallée, un paysage dans son ensemble. L'appréhension est alors différente, car purement géographique. Les éléments de paysages s'emboîtent les uns dans les autres dans un vaste espace. La cartographie dynamique est alors le rendu préférentiel, un travail de longue haleine mais qui apporte, ici encore, une aide inestimable pour mes camarades de fouilles. En effet, la lecture de paysage et sa compréhension se fait en temps immédiat. Les prospections archéologiques sont alors dirigées préférentiellement dans les milieux ou les espaces les plus propices aux découvertes de surface, immédiatement visibles. 


Comment les yeux du géomorphologue décèlent-ils les "milieux propices" ? Par simple lecture des dynamiques paysagères. Les dynamiques holocènes ont permit, en montagne, la création de zones planes naturellement drainées par exemple. Ces anciennes "plaines alluviales" ou cônes de déjection (aujourd'hui assimilables à des plateaux ou à des terrasses) étaient des zones de choix pour l'établissement humain : forêt, terre riche, cours d'eau pérenne et calme à proximité immédiate... Aujourd'hui, ces zones sont souvent agricoles, en friche ou ... recouvertes par des éboulements postérieurs, donc pas forcément visibles. Le géomorphologue les détecte facilement et peut alors guider les archéologues pour une prospection approfondie du milieu. En ce qui concerne les périodes plus récentes (antiques, Moyen-âge), des anomalies sporadiques sont détectée lors de la lecture et appuient la prospection. Ces anomalies consistent en des blocs allogènes ou disposés sans rapport avec les dynamiques locales, des variations de microtopographie... 


Points d'intéret

  • Impact du changement climatique: 
    • Changement climatique et adaptation des sociétés
    • Changement climatique et dynamiques paysagères
    • Changement climatique et régime des incendies
    • Changement climatique et météorologie
  • Dynamique des paysages et anthropisation Antique / Bas Moyen-Âge. 
    • Pression anthropique sur les paléopaysages et paysages actuels
    • Végétation / végétalisation / revégétalisation
  • Ingeniérie du paysage
  • Enregistrement des archives sédimentaires
  • Analyse des paysages
    • Provence Alpine et Subalpine
    • Ecosse (Borders, Littoraux, Highlands)

 



Spécialités

  • Paysages :
    • Montagnard
    • Collinéen
    • Alluvial fluviatile
    • Grotte / Abris sous roche
    • Marais / milieu humide
  • Dynamique d'Erosion :
    • Milieu torrentiel
    • Glaciaire et périglaciaire
    • Alluvial
    • Tourbière / Lacustre
    • Pédologie
    • Dynamiques de versant / reptation / mouvement de masse
  • Schèmes : 
    • Morphogenèse postglaciaire (tadiglaciaire à anthropocène)
    • Dynamiques paysagères à la suite de feux de forêts globales / locales / in-situ / micro. Paléo et Actuel
    • Dynamiques des feux de forêt
    • Pression anthropique
    • Relation Anthropisation - Paysage. Paléo et actuel , Néolithique à actuel. Spécialisation Fin du Néolithique, âge du Bronze, âge du Fer, Antique et bas Moyen-Âge. 
  • Méthodes: 
    • Lecture du paysage
    • Echantillonnage
    • Granulométrie
    • Tamisage
    • Observation et quantification par microscope oculaire
    • Recherches bibliographioques
    • Recherches archivistiques
  • Rendu: 
    • Cartographie (topo, géologie, géomorphologie, dynamiques paysagères) Logiciel utilisé : Adobe Illustrator. Moins courant : QGis. 
    • Photographie (analyse d'image)
    • Dessin scientifique (Illustrator, Microsoft Excel)
    • Texte
    • Spécialisation usage Macintosh


publications

C. Boutterin (2002). Le facteur feu dans la morphogenèse postglaciaire des Alpes du Sud: le versant sud de la montagne de St Genis, approche pluridisciplinaire. Mémoire de maitrise (C. Miramont dir.), Université d'Aix-Marseille. 

C. Boutterin (2003). Les feux et la morphogenèse postglaciaire dans les Alpes du Sud: la région de Lazer (Hautes-Alpes). Mémoire de Diplôme d'Etudes Approfondies (C. Miramont dir.), Université d'Aix-Marseille. 

C. Boutterin (2007). Feux et forçage morphogeniques postglaciaires dans les Alpes du Sud: une approche pluridisciplinaire dans le complexe Buëch-Durance. Thèse de doctorat (C. Miramont dir.) (non soutenue), Aix-Marseille Université. 

T. Castin (dir.) (2022). Grottes du Galetas. Rapport de fouilles archéologiques, SRA PACA (département 04).


P. Marrou, M.Serieys, C. Boutterin, A.-M. Curé, D. Delpalillo, R. Roure (2022). Le Mourre de Sève (Sorgues, 84), Rapport intermédiaire d'opération 2021. Projet collectif de recherches, SRA PACA (département 84), dossier n°13187. 


J. Seleque, C. Boutterin, A. Lattard, N. Toutain (2021). Riez Pont-Jacquet, Bilan Scientifique. DRAC PACA, SRA, Ministère de la culture et de la communication, direction du patrimoine, sous-direction de l'archéologie. 


E. Henrion (dir.) (2021). Cimetière Juif de Manosque. Rapport de fouilles archéologiques, SRA PACA (département 04).


J. Seleque, C. Boutterin, A. Lattard, N. Toutain (2021). La Cassine, Peyruis. Bilan Scientifique. DRAC PACA, SRA, Ministère de la culture et de la communication, direction du patrimoine, sous-direction de l'archéologie.


C. Boutterin (2021). Comment la géomorphologie apporte son grain de sable : l'approche paléopaysagère, SRA PACA (département 04), musée archéologique de Quinson. 


J. Seleque (dir.) (2020). Digne Borrely. Rapport de fouilles archéologiques, SRA PACA (département 04).

 

A. Morin, C. Boutterin, C. Miramont, O. Sivan (2019). Le 4° et le début du 3° millénaires av. J.-C. dans les Préalpes: quelques résultats des recherches pluridisciplinaires engagées dans les vallées du Buëch et de la moyenne Durance (Htes Alpes, France). In: Actes de la Table ronde : Quatrième Millénaire – Du Néolithique moyen au Néolithique final dans le sud-est de la France et les régions voisines.Aix en provence, juin 2005. 


M. Dupuis, S. Bezault, C. Boutterin (2015). Castellane, Gymnase Notre-Dame. Bilan Scientifique. DRAC PACA, SRA, Ministère de la culture et de la communication, direction du patrimoine, sous-direction de l'archéologie.

 

C. Boutterin (2013). Des manifestations du temps dans le paysage. Discussion autour de la perception du géographe, in : Usages du temps en sciences humaines et sociales: méthodes et questionnements, Ouvrage collectif. 


O. Sivan, C. Barra, C. Boutterin, M. Buiron, F. Sumera, M. Vecchione et al. (2008). "Salvage Archeology and Geoarcheology: the example of the coastral margin between Antides and Nice (France)". In: Reconstructing Human-Landscape Interactions, Cambridge Scholars Publishing. 

 

C. Boutterin, C. Miramont, S. Muller, J.-L. Edouard (2008) Postglacial paleofires and morphogenic expressions in a torrential rainfall catchment area of the southern french Alps : the Mardaric (Hautes-Alpes, France), in: Géomorphologie, num. spé. « feux et érosion » sous la direction de J.-F. Berger. 

 


C. Boutterin, C. Miramont, S. Muller, J.-L. Edouard, S. Valleteau (2007). Le rôle du feu dans l’histoire des paysages sud-alpins de moyenne montagne entre 12000 et 7000 ans BP, Approche méthodologique. In: Actes du colloque RTP « Paysage et environnement: de la reconstitution du passé aux modelés prospectifs », Chilhac, septembre 2006. 


S D. Muller, T. Nakagawa, J.-L. de Beaulieu,M. Court-Picon, C. Carcaillet, C. Miramont, P.Roiron, C. Boutterin, A. Ali and H. Bruneton (2007). Post- glacial migration of silver fir (Abies alba Mill.) in the south-western Alps, in: Journal of Biogeography 34, 876–899. 

 

C. Boutterin (2006). Implication des feux dans la morphogenèse postglaciaire sud-alpine, in : ACI Valbonne sous la présidence de J.-F.Berger, Sofia Antipolis, Janvier 2006.


C. Boutterin, C. Miramont, S. Muller, J.-L. Edouard (2005). Le rôle du feu dans l’histoire des paysages méditerranéens sud-alpins de moyenne montagne. Exemple de la dépression de Lazer, in l'érosion entre société, climat et paléoenvironnement, table ronde en l'honneur du professeur René Neboit-Guilhot, Clermont Ferrand, mars 2004, Presse Universitaires Blaise Pascal, coll. Nature & Sociétés, pp. 393 – 400.